samedi 24 janvier 2009

Salta. L'attente.

Je prends la route des Andes pour près d'un mois. Première étape, Salta. Cette ville est située à 1300 km au Nord-ouest de Buenos Aires, sur un des plateaux préandins. Cette région était prospère aux siècles derniers, car au temps de la domination espagnole sur le pays (et presque toute l'Amérique du Sud en fait), tout le commerce à destination du Vieux Continent transitait par Lima et Salta était une étape sur ce chemin. On y retrouve donc des exemples remarquables d'architecture coloniale et une vraie culture du commerce. 1h30 de vol depuis la capitale et le changement est radical. Les visages, les attitudes, l'accent, j'ai l'impression d'arriver dans un autre pays. Je découvre la ville sous un ciel gris et tout me parait éteint, rien ne resplendit. Je prends un peu de hauteur pour mieux considérer l'ampleur de la ville qui est une des plus grandes du pays. Mais rien ne se passe, je trouve ça chiant ?? Salta la linda cacherait-elle ses charmes ? Je retourne à mon hostal pour planifier mes visites des jours suivants et lorsque je regagne le cœur de la ville pour manger un morceau, c'est la révolution, toute la ville est dans la rue, les commerces et les cafés sont bondés. Je suis étranger, et ça fait du bien.

Le lendemain, direction Cafayate. Dans le bus qui m'y emmène, je fais la rencontre improbable de Jonas, un animateur radio de Zurich, venu cherché ici un peu de calme, loin de la tumultueuse vie nocturne de la cité helvète. Il sera mon compagnon de route pour la découverte des canyons qui se dressent le long de la route qui nous mène de Salta à Cafayate. Je guettais les cieux pour voir s'écrouler devant moi la Mustang de Thelma et Louise. Nous arriverons à Cafayate pour midi. Quatre rues, une place, une église. Un trou. Nous nous installerons à la terrasse d’un restaurant de cette place, qui quelque part, manque un peu d’authenticité. Il fait une chaleur suffocante et nous ne trouverons rien de mieux que de nous désaltérer au vin rouge. L’ivresse me suivra jusqu’à tard dans la journée. Jonas a choisi de rester à Cafayate pour la nuit et moi je retourne à Salta. Nous nous y retrouverons le surlendemain. Etrange soirée solitaire à Salta en attendant des nouvelles de Paris. Mon humeur et mes doutes ne rencontreront que le vide. Cette ville restera à jamais le carrefour de nuits d’angoisse, de craintes abdominales, de regards nerveux et humides. Un purgatoire.

Réveil Matinal. Yeux fermés et cœur serré, je me laisse porter par les sons de The Sweet Vandals. J’arrive à la gare routière et je cherche le bus pour Cachi. Il est à peine 7h00 et c’est à cet instant là que je prends conscience que je ne suis pas chez moi, que je ne suis pas en Europe. Le ballet des bus se fait dans un vacarme de fumées et de klaxons. Les quais sont infranchissables tant malles et paquets s’y perdent, en attendant de trouver leurs places dans les soutes des autobus. Je grimpe dans le bus « Manuel Lopez » qui arrivera à Cachi dans 4 heures. Au sortir de la ville, les champs de tabac s’étirent jusqu’au pied des Andes. La région est un des plus grands producteurs d’Amérique du Sud. Tout appartient à Philip Morris qui possède plusieurs usines dans la province. Entre les plants de tabac, on retrouve également des serres gigantesques, un peu comme en Andalousie. Oui, on se croirait bien dans le sud de l’Espagne, la terre y est riche, les maisons basses et blanches, on pourrait croire que la mer est toute proche. D’un coup, d’un seul, le bus pénètre dans une forêt tropicale, luxuriante, verte et grasse. Nous franchirons les rivières boueuses par des ponts métalliques d’un autre âge. L’atmosphère ici est asiatique et les paysages changent encore. La jungle laissera place aux premiers cols andins. A plus de 3 000 mètres d’altitude, l’air se fait plus rare et le vent me rend fou. Lorsque le bus retrouve la plaine au-delà des cols, la route se pointe comme une aiguille vers l’ouest. Je suis entouré d’un désert de cactus « plus grande réserve au monde », à en croire Alex, une Anglaise assise à côté de moi qui doit se demander pourquoi je porte aussi bien la tristesse alors que nous découvrons un site merveilleux. Cachi montrera toutes ses promesses. Loin et haut, ce village de montagne est dominé par le Nevado de Cachi (6 320 mètres). L’architecture coloniale, les rues pavées et étroites. Les grands-mères sont assises devant chez elle et attendent le retour de leurs chats partis s’absorber de soleil sur la place principale. Un décor plein d’intentions, peut être un peu trop parfait. Retour à Salta en fin de journée, j’ai rendez-vous avec Jonas. Alex nous rejoindra plus tard sur la place de la cité,pour y boire les meilleurs vins blancs de la province. Nous trinquerons ensemble jusque tard dans la nuit. Mes questions ne trouveront toujours pas d’écho. Enjoy the silence. Premier samedi de décembre. L’air est sec, mes boucles sont moches. Après un petit déjeuner laconique et sans goût, je traverse la ville une dernière fois avant de regagner la gare routière pour prendre la route vers le Sud, vers Mendoza. 18 heures de bus. Connexion inespérée avec Paris. L’éloge de la passion se conjuguera avec l’abandon. Broken down and hungry for (your) love, with no way to feed it. Travail hyper productif des glandes lacrymales, respiration en trois coups. Je suis installé à l’étage du bus, tout devant, ce qui me laisse une vision dominante sur les 1500 km à parcourir. Le jour s’effacera rapidement et plus nous filerons vers le Sud, plus les routes seront mauvaises. A mi-chemin, je remarque le long de la route, des milliers de pèlerins qui se dirigent vers Catamarca pour la fête de la « Virgen de la Valle ». En pleine nuit, à pied ou à vélo, cet élan de ferveur reste touchant. Mon insomnie sera sauvée par les eargasms que me procurera le shuffle de mon iPod.

Arrivée à Mendoza en début de matinée, il fait près de 30°. Je me dirige vers l’hôtel que j’ai réservé la veille. Il me semble assez éloigné du centre, le quartier n’est pas très engageant. L’accueil à l’hôtel encore moins. Je file vers le centre où je ne trouverais que des rideaux baissés, il est encore tôt et nous sommes dimanche. Je tourne en rond, je me sens ivre et seul. Je ne peux pas rester comme ça. Je ne veux pas rester ici. Je partirai dès demain matin pour Santiago par le premier bus. Soupirs.

Aucun commentaire: